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Contribution
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET RECHERCHE

Convention sur l’Education 
de la Gauche Moderne





Dans le système éducatif français actuel, on peut dire, que tout est joué à 17 ans…et qu’il n’y a pas de seconde chance ! Un tel système est-il réellement en phase avec la société d’aujourd’hui ?

On présentera ici dans un premier temps une analyse de la situation de l’enseignement supérieur français et des principaux problèmes qui en sont les conséquences directes. On cherchera ensuite de façon logique à proposer des améliorations qui tiennent compte de cette analyse.


A.- L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR 

I.- UNE UNIVERSITE SOUS INFLUENCE

Au niveau de l’université elle-même, on peut évoquer un problème structurel et un problème humain.

Problème structurel

Certains universitaires déclarent que la caractéristique fondamentale de l'université est son indépendance à l'égard du pouvoir politique et que sa vocation est uniquement la transmission du savoir. Ils en donnent pour preuve que lors de sa création par l'Eglise, la Sorbonne était indépendante du pouvoir temporel et qu'elle n'avait pas de mission particulière quant à la formation des élites. D'après ces derniers, elle était vouée au pur savoir. Si l'on regarde d’un peu plus près, on remarque que l'Eglise imposait son "savoir" à la Sorbonne et qu'elle demandait à cette dernière de lui fournir ses "cadres"...

Le problème d'aujourd'hui est bien le trop grand fossé entre l’Université et la société « réelle ». L’Université offre des formations sans se soucier de leurs débouchés. Seules les grandes écoles semblent se préoccuper de l’avenir de leurs élèves, mais dans un contexte d’un tel élitisme « sociétal » que le but fixé à l’enseignement n’est pas pleinement atteint.

Problèmes humains

Bon nombre des universitaires actuels ont été nommés au début des années 80 dans un contexte politique qui impliquait une forte volonté de reprise en main. Ces universitaires ont façonné l’Université dans une optique très partisane. Ils ont notamment fait montre d’une solide défiance à l’égard de toute forme de collaboration avec les organisations économiques existantes. Le recrutement et les nominations au sein de l’Université ont subi le contrecoup de cette ligne politique. Précisons en outre que pour défendre cette position dominante beaucoup de ces universitaires font barrage à la publication des travaux des doctorants ou des jeunes chercheurs.

On demande que les individus productifs se remettent en cause dans le cadre de leur activité, pourquoi les universitaires seraient-ils étrangers à cette démarche ? Bien sûr, ce métier est difficile, mais cette passivité à faire évoluer les comportements est source de nouvelles tensions renforçant d’autres tensions déjà existantes.

II.- LES ETUDIANTS

Les deux premières années

La faiblesse des deux premières années dans l’Université conduit les élèves les plus brillants à choisir, dès leur sortie du lycée, les "prépa". Cela a pour première conséquence de faire douter de la qualité de ceux qui s'inscrivent en première année de "fac". Mais il faut bien noter que même au niveau des « prépas » il y a des strates dictées par le réalisme économique en matière d’emploi, qui conduisent à la désaffectation des carrières scientifiques au profit des écoles de commerce et des très grands corps qui vont gouverner notre pays et qui le gouvernent déjà avec le succès que l’on connaît. L’administration sans la science n’est rien, le domaine porteur, créateur d’emplois et de richesses, ce sont les sciences humaines et sciences « dures » qui sont sources de progrès…et donc de marchés.

La seconde conséquence est d'amener également sur les bancs des universités des élèves qui ne sont pas toujours à la hauteur pour aborder des sujets difficiles. Le taux d'échec impressionnant sur les deux premières années le prouve. Mais le problème s'amplifie si l'on constate que ces deux premières années de « fac » n'offrent pas un encadrement suffisant pour ces nouveaux étudiants. Le nombre d'heures de « TD » a beaucoup diminué et le nombre des assistants s'est effondré. Dans ce contexte, l’encadrement des nouveaux étudiants, qui a toujours été une grande faiblesse de l’université, est aujourd’hui désastreux. Il est toutefois indispensable de remarquer que tout le monde n’est pas capable de faire des études supérieures. D’autres filières existent, tout aussi honorables. Elles doivent être valorisées.
Actuellement, le plan pluriannuel « Réussite en licence » doit réduire de moitié l’échec en premier cycle d’ici 2012. Ainsi, les possibilités de réorientation à la fin du premier semestre de la première année de licence vont permettre aux nouveaux étudiants de quitter sans perte de temps excessive une filière qui ne leur convient pas. Mais le succès du plan « Réussite en licence » dépend de la qualité de l’accompagnement personnalisé de chaque étudiant. Faute de moyens, cet accompagnement ne peut être réalisé que très imparfaitement. Il faudrait donc veiller à sa véritable application.
Les problèmes matériels

On constate que la plupart des étudiants font leurs études dans des conditions matérielles très difficiles. Pour ceux qui sont boursiers, le montant des bourses est faible, leur paiement est sujet à d’importants retards (ce qui se traduit par des « agios » inadmissibles) et les possibilités de logement précaires. Seules, certaines grandes écoles, proposent un salaire à leurs élèves dès leur admission, à charge pour ces derniers de les rembourser par l’acceptation d’une période de fonction publique.

Les étudiants, qui exercent un emploi sont peu nombreux si l’on fait abstraction de l’apprentissage. Leur nombre est en augmentation depuis le début des années 90. Toutefois, cette part reste modeste comparée à la plupart des pays de l’OCDE. Les étudiants, qui exercent un emploi en France, le font le plus souvent pendant de longues heures : 64 % d’entre eux travaillent plus de 30 heures par semaine ce qui est plus que la moyenne de l’OCDE (46 %). Un bon équilibre est à trouver entre ceux qui passent de nombreuses heures à gagner leur vie, ce qui rend d’autant plus difficile leur réussite aux examens et ceux qui ne connaissent pas les contraintes de la vie professionnelle.

On compare souvent l'implication des étudiants asiatiques avec celle des étudiants français. On évoque le sérieux des uns et le laxisme des autres. Il ne faut pas perdre de vue qu’être étudiant en Chine implique un véritable statut social avec la dévolution de moyens particulièrement conséquents. Certains ont même fait remarqué que le taux de chômage des jeunes français était le plus fort de tous les pays de l’Union Européenne car dans le calcul de ce taux, on ne compte pas comme « actifs » les jeunes qui sont dans l’enseignement supérieur (grandes écoles ou universités). Ce point est révélateur d’une tendance à méconnaître l’effort intellectuel et surtout à nier le fait que l’acquisition du savoir est aussi un métier à part entière.

Les post-doctorants ou docteurs

Il y a un véritable scandale de pillage des fonds publics dans le cas de ce que l’on nomme aujourd’hui les « post-doctorants », c’est-à-dire, ceux qui ont réussi un doctorat. Le doctorat est le plus haut grade universitaire, il sanctionne un très haut niveau de recherche. Chaque docteur est, de par son travail, à la pointe d’un savoir dont la valeur est inestimable. Or, à l’heure actuelle tout se déroule selon le schéma suivant : après le doctorat…vous n’avez plus aucune utilité pour l’université et la recherche en France, à moins d’accepter une position assez misérabiliste dans un quelconque « labo » du CNRS (et cela est, faut-il le préciser, une chance inespérée pour le nouveau « docteur »). En d’autres termes, le système universitaire actuel produit des experts que le monde entier nous envie, des experts qui représentent une grande richesse pour notre pays et cette richesse est aussitôt dilapidée sans le moindre remord…Tout se passe comme si l’on entraînait pendant des années un sportif de haut niveau pour lui dire, lorsqu’il arrive à la plénitude de ses capacités, c’est fini pour vous, on vous « interdit » de vous présenter à la moindre compétition…


Le refus de prendre en compte les étudiants "adultes" et la Formation Permanente

a) Les doctorants

De plus en plus de doctorants sont des personnes qui reviennent vers l’université soit pour actualiser leur savoir, soit pour se repositionner sur le marché du travail après une période de chômage plus ou moins longue, soit pour s’insérer à un haut niveau de recherche du fait de leur expérience professionnelle. Le modèle suédois a prévu ce « retour à l’université » et il a même institué un « salaire » pour ces étudiants en échange de diverses prestations de leur part dans l’université et la recherche. 

b) La Formation Permanente

L’Université semble être le lieu privilégié pour prendre en charge le contrôle de la Formation Permanente dispensée aux cadres. On sait bien désormais que le savoir doit être constamment actualiser tout au long de la vie. Il suffit de rappeler le choix du Président Obama en faveur du « softpower ».


La pluridisciplinarité

La réforme Edgar Faure fut un grand moment pour l’université française en instituant la pluridisciplinarité. Cette réforme a mis en place toutes les structures nécessaires pour atteindre cet objectif. Près de 30 ans plus tard, certains observent qu’une des graves lacunes de notre système d’enseignement est justement le manque de … pluridisciplinarité. On cite même l’exemple américain avec le « semestre culturel » qui apporte aux ingénieurs et aux cadres un véritable « plus » dans leur vie professionnelle.


III.- L'AFFAIBLISSEMENT DE L’AURA DE L'UNIVERSITE FRANÇAISE

Des constats précédents, il n’est donc pas surprenant que l’université française se soit engagée depuis plusieurs années dans une spirale "descendante" et cela malgré de brillantes réussites dans des sciences comme les mathématiques ou la physique (Prix Nobel, Médaille Fiels, Prix de Kyoto, Prix Abel).

a) Au niveau des publications (résultat tangible du supérieur), et malgré tous les calculs que certains bons esprits peuvent faire, leur nombre (et parfois leur qualité) est très en deçà de celles des USA, de l’Allemagne, du Royaume Uni, de la Chine, de la Russie et du Japon. Ce point n’est pas anodin, parce que c’est sur ce critère que les autres pays jugent, à tort ou à raison, le niveau de notre enseignement et de notre recherche.

b) Les débouchés sont limités à l'enseignement pur dans le secondaire ou le supérieur...mais il n’y a presque aucune solution vers le privé ou dans des cas très "limités". On aurait pu espérer un changement de cap grâce aux pôles de compétitivité, mais les choses tardent à se mettre en place.


B.- PROPOSITIONS


A partir de cette analyse, il est possible d’envisager les orientations suivantes dans le cadre d’une véritable réforme de l’enseignement supérieur :


a) Il est nécessaire de repenser le financement des universités françaises. Le travail et les « actifs immatériels » produits par l’Université ont une valeur incalculable pour une société. On juge d’ailleurs du degré de développement d’un pays, selon les critères classiques retenus par les économistes, à la puissance, au rayonnement et à la créativité de ses universités. Dans le contexte actuel, et selon les textes, l’université est financée à 100% par des fonds de l’Etat. Cette règle est devenue si éloignée des réalités économiques contemporaines qu’elle souffre de plus en plus d’exceptions. A titre d’exemple, on peut citer les interventions de plus en plus nombreuses des collectivités locales, mais aussi de grandes entreprises. On sait également que le budget de l’Etat n’est pas extensibles indéfiniment (surtout dans une période de crise). La solution naturelle paraît donc une certaine volonté politique pour orienter des fonds privés vers les universités. La structure des pôles de compétitivité pourrait jouer un rôle important. A ce jour et malgré les nombreux rapports qui s’accumulent sur la question, rien de concret n’a été ni engagé…ni même proposé. Il ne suffit pas d’évoquer le mot de fondation, pour que tous les problèmes soient résolus comme par magie, mais c’est pourtant dans cette direction qu’il faut être inventif. Par ailleurs, et à l’instar du Fonds de l’Innovation Canadien, nous pourrions envisager un système permettant des « retours sur investissements » : les brevets, les actions de « consulting » (dont les honoraires ne profitent à l’heure actuelle qu’à certains professeurs) lorsqu’ils génèrent des recettes pourraient servir à rembourser une partie des fonds reçus de la Fondation. Ce système fonctionne admirablement au Canada…pourquoi pas chez nous ;

b) Admettre qu’un changement de personnel dans les hautes instances de l’université est devenu une priorité. Ets-il normal d’être « professeur d’université » à vie ? Ne faudrait-il pas envisager une limite de temps à l’exercice de « l’enseignement pur » ? Veiller à une politique de recrutement fondé sur le mérite des recherches, la valeur des diplômes et non l’affiliation à telles ou telles obédiences ;

c) Porter le budget de l’enseignement et surtout de la recherche à des niveaux compatibles avec nos ambitions, à l’instar de nombreux autres pays qui ont fait de la recherche leur cheval de bataille économique. Se réfugier derrière les montées pédagogiques ou d’autres raisons obscures n’est que pure manœuvre dont on ne voit pas bien l’objectif ;

d) La Gouvernance des Universités est au cœur de toute réforme crédible. Cette Gouvernance est aujourd’hui le résultat de l’accumulation de différentes strates provenant de décisions politiques, de décrets administratifs, sans compter le rôle des traditions. Il ne peut être envisagé de façon réaliste de donner tous les pouvoirs au Président d’une Université. En revanche, le conseil d’administration doit être profondément revu et permettre une plus grande participation et implication des chercheurs (y compris au niveau des doctorants) ;

e) Protéger la « laïcité » de l’enseignement supérieur qui depuis quelques années est redevenue une « pomme de discorde » ;

f) Recruter, et ce parmi les doctorants (et sans limite d’âge arbitraire) des enseignants pour encadrer notamment les deux premières années d’université (toute discipline confondue) ;


g) Accueillir « réellement » les étudiants adultes qui reviennent dans l’université et réfléchir au modèle suédois qui prévoit même un « salaire » pour ces étudiants d’un nouveau type contre leur emploi dans l’université et la recherche ;


h) Développer la pluridisciplinarité entre les différents cycles d’enseignement afin de faire prendre conscience aux uns qu’il n’existe pas que les « sciences dures », et aux autres qu’il n’y a pas que les « sciences humaines » ;


i) Favoriser par tous les moyens possibles (et notamment les e-publications) les publications des doctorants et des chercheurs (et ce encore quelque soit leur âge !) dès lors que ces publications représentent les qualités scientifiques requises ;


j) Organiser une filière pour les « post-doctorants ». Filière noble qui doit représenter l’élite de la science française dans tous les domaines et permettre leur « intégration » dans la nouvelle société du « savoir ». Ceux qui travaillent dans des laboratoires de recherche publics ne doivent plus être payés dans le cadre d’un régime de libéralités qui est un système plus que précaire. « On en fait des « SDF de labo ». Par ailleurs, il faut tout mettre en œuvre pour que les entreprises, qui les ont employés à travers des contrats de recherche, procèdent à leur recrutement une fois ce contrat terminé, puisque l’université ne leur propose rien. La mise en compétition avec les ingénieurs issus de grandes écoles des post-doctorants est un frein à leur emploi. Les entreprises doivent revoir leur position vis-à-vis de ces étudiants et ne pas les rejeter sous le prétexte qu’ils viennent de l’université ;


k) Développer des missions spécifiques pour mettre en place des programmes qui correspondent à de véritables professions et ce tant dans les sciences « dures » que dans les «sciences humaines », qui représentent, pour ces dernières, selon une étude récente publiée aux USA, une source de revenu impressionnante avec les productions audiovisuelles, le multimédia et le livre. » ;

l) Valoriser le statut d’étudiant et prévoir, par le biais d’une fondation (voire de plusieurs suivant les filières d’études), des revenus pour chaque étudiant en fonction de ses résultats. Prévoir comment ces fonds seront « remboursés » par un travail spécifique après l’obtention du diplôme. Beaucoup d’étudiants doivent travailler pour payer des études que les parents ne peuvent plus payer, au détriment de leur disponibilité à étudier. C’est une raison des échecs de plus en plus nombreux ;


m) Se préoccuper rapidement du logement étudiant qui devient un problème de plus en plus grave au niveau national ;


n) L’orientation active à l’université, loin d’être sélective, se veut respectueuse du libre choix des étudiants en leur donnant les moyens de juger par eux-mêmes de la pertinence de leurs projets. Elle est liée à la bonne diffusion d’informations sur les taux de réussite, les débouchés des différentes formations etc. Engagée à titre expérimental pour la rentrée 2008 dans 70 universités, l’orientation active, qui est désormais inscrite dans la loi doit être poursuivie et encouragée ;


o) S’engager dans une politique volontariste de Formation Permanente destinée aux cadres et qui doit répondre aux véritables besoins de la société civile et du marché de l’emploi. Il est à l’évidence souhaitable que cette mission revienne à l’Université et soit ainsi retirée à la tutelle des organismes du type ANPE ou Maison de l’Emploi ou Pôle Emploi qui n’ont su que mettre en place des « stages de formation » dans des conditions bien mystérieuses, très coûteuses et surtout totalement inefficaces ;


p) Prévoir, dans le cadre des pôles de compétitivité, la création de plans de formation en adéquation avec les perspectives de développement de ces pôles. Ces plans doivent être concertés et résulter d’un accord entre tous les partenaires. Un financement spécifique devra être envisagé pour chaque plan. 

q) Développer par tous les moyens une véritable collaboration entre les universités et les entreprises ;

r) Faire comprendre « massivement » que le SAVOIR est une des seules grandes richesses, avec l’agriculture, qui reste à la France. C’est l’ère du SOFT POWER, évoquée par le Président OBAMA, qui vient de s’ouvrir et personne ne pourra aller contre cette tendance. C’est donc le premier devoir du monde politique français de préserver notre enseignement supérieur pour assurer simplement l’avenir de notre pays.





Pour la Convention « Education » de la
GAUCHE MODERNE

Jean Michel Béhar
Juin 2009
Animateur de la Commission « Economie »

avec la collaboration de :

 

Jean-Loup Dujardin
Francine Girond, 
Claude Guignard,
Jacques Mainier 
François Meynent
Philippe Seigneur
Simon Pierre Trezeguet.

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