Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 15:01

Par Bernard Spitz, Le Monde


Certaines crises prennent la société au dépourvu. Si un renversement des années de croissance financière était prévisible, ses modalités, le moment de l'effondrement et ses causes précises l'étaient moins. D'autres transformations, elles, sont annoncées et inéluctables. Projetée à trente ans, la démographie est une science exacte. Nous connaissons l'évolution de la pyramide des âges et ses conséquences : la nécessité de repenser le financement et la nature même du système de retraites ; les charges sur notre système de santé ; l'obligation de concevoir avec lucidité nos devoirs envers nos aînés en fin de vie.

Chacun d'entre nous a pour perspective un espoir de vie plus long qu'il ne l'a jamais été. Nombre d'entre nous connaîtront aussi, au cours de leurs dernières années, une situation de dépendance physique ou mentale telle qu'une assistance extérieure leur sera nécessaire. Voudrions-nous l'oublier qu'autour de nous la complexité croissante des situations familiales viendrait nous le rappeler. Car en même temps que le nombre de personnes dépendantes est appelé à augmenter (de 50 % d'ici à 2040, pour atteindre 1,5 million de personnes), les liens et les solidarités intergénérationnels se distendent, abolissant beaucoup des réseaux de soutien traditionnels.

Pis encore, nous sommes loin d'avoir réparé la fracture qui réserve, dans la société française, l'essentiel des privilèges - sécurité de l'emploi, du salaire ; perspectives de carrière et d'avancement social - à une tranche étroite d'adultes âgés de 25 à 50 ans, voire 55 ans. A coups de stages non payés et de CDD, nous avons fait des jeunes la variable d'ajustement d'un système dont le déficit de fluidité affecte la créativité même de notre nation. Arrivés sur le marché du travail pendant et juste après les "trente glorieuses", les baby-boomers ne ménagent guère d'ouvertures aux générations qui les suivent, et pèsent de plus en plus sur les choix politiques. Ils font par ailleurs tomber le couperet - retraites, préretraites, restructurations - sur les "seniors", à qui la médecine et les évolutions des modes de vie ont pourtant accordé une forme physique impensable pour la génération de leurs parents.


Nation divisée

Ce gâchis économique, qui fait reposer l'essentiel de la productivité du pays sur une minorité, l'est encore plus au niveau social. Comment espérer préserver un sentiment de solidarité entre des générations dont la moitié s'estime flouée par l'autre ? Et pourtant, après avoir repoussé pendant des années la nécessaire refonte des retraites, seulement abordée depuis deux ans, comme de l'enseignement, qui se profile à peine, il importe de ne pas perdre de temps pour faire de la dépendance une priorité nationale. Le président de la République l'affirmait devant le Sénat le 18 septembre 2007, promettant "un nouveau droit à la protection sociale... mieux adapté à la diversité des situations individuelles... en développant l'assurance individuelle contre le risque de dépendance... non pas en substitution de la solidarité nationale mais en complément". Aborder de front la dépendance aurait deux vertus : réintroduire le long terme dans les grands choix de politique publique ; et fédérer sur un terrain commun une nation divisée. L'Etat, qui assure un minimum d'assistance décent, ne saurait prendre en charge toutes les situations individuelles, alors que les études montrent que nous refusons l'institutionnalisation de la fin de vie.

Or près d'un Français sur trois a déjà dans son entourage une personne dépendante. Pour ne pas devoir prendre dans l'urgence des décisions contraignantes, les chemins d'une solution passent par un partenariat entre le public et le privé, où les assureurs français peuvent apporter une expérience reconnue. Un système supportable pour les finances publiques pourrait passer par la création d'une couverture dépendance accessible à tous grâce à des aides ciblées pour les faibles et moyens revenus.


La France
est en pointe dans le domaine des contrats d'assurance-dépendance, qui existent chez nous depuis 1980. Il y en a 3 millions, alors que les Etats-Unis en comptent 7 à 8 millions. A cet égard, les travaux du sénateur Philippe Marini et de la mission commune d'information du Sénat, qui préconisent le développement de la couverture assurancielle du risque dépendance, au côté du pilier public de prise en charge, dans le cadre d'un système mixte de financement de la dépendance, fournissent un cadre de grande valeur. Cette réflexion sera approfondie en décembre lors des rencontres du Conseil d'orientation et de réflexion de l'assurance (CORA), qui réuniront les spécialistes français de la dépendance au siège de la Fédération française de sociétés d'assurances (FFSA).


"L'histoire de toutes les guerres perdues se résume en deux mots : trop tard"
, disait le général MacArthur. Il n'est pas trop tard pour relever le défi de la dépendance, et, ce faisant, de relancer une nouvelle solidarité entre les Français.

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 18:15

Taxe professionnelle : arrêtons le massacre des TPE


L'examen du projet de loi de finances 2010 a débuté mardi à l'Assemblée nationale. Le Cerf est très attentif à cette première partie consacrée aux recettes et en particulier aux fausses bonnes idées qui circulent. Les Créateurs ont toujours défendu une fiscalité qui prend en compte la capacité contributive de l'entreprise et ont ainsi plaidé depuis leur création pour une réforme de la taxe professionnelle. De même, les Créateurs s'opposent à tout impôt sur les facteurs de production. C'est pourquoi le Cerf critique vivement le sous-amendement de Marc Laffineur qui vise à faire payer aux entreprises la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée dès 152 500 euros de chiffre d'affaires au lieu de 500 000 comme prévu par le gouvernement. Le député UMP a calculé que cette mesure pourrait faire entrer 1 milliard d'euros supplémentaire dans les caisses des collectivités locales, une aubaine qui a tout pour séduire les parlementaires qui sont aussi des élus locaux...

En réalité, Marc Laffineur est en train de sacrifier des recettes futures contre des recettes supplémentaires en 2010. En effet, si cet amendement était adopté, il aurait un effet dévastateur sur l'économie : au mieux, cette charge supplémentaire qui s'ajoute à la taxe carbone, serait répercutée sur les prix et c'est le consommateur qui paiera au final la taxe complémentaire avec en prime une baisse de son pouvoir d'achat ; ou l'entreprise ne peut augmenter ses tarifs et alors cette charge supplémentaire pèsera sur le revenu du dirigeant - 1850 euros par mois en moyenne - et sa déjà faible capacité à investir s'effondrera. Cela se traduira également par des économies supplémentaires sur les charges d'exploitation et en premier lieu par un blocage des salaires. Faire payer cette cotisation complémentaire aux TPE qui font entre 152 500 et 500 000 euros de chiffre d'affaires, c'est tuer les espoirs de baisse du chômage en pénalisant les entreprises qui créent le plus d'emplois en France. Pire, cette mesure viendra augmenter le nombre de défaillances d'entreprises qui atteindra cette année un chiffre record de 70 000 !

Au-delà de la réforme de la Taxe professionnelle, le Cerf appelle à une refonte en profondeur de la fiscalité et du financement de la solidarité. Les Créateurs demandent notamment que l'Etat cesse de taxer les facteurs de production - travail et capital. La fiscalité actuelle pénalise l'investissement et les produits fabriqués en France par rapport à des produits importés plus compétitifs car ne supportant pas les mêmes prélèvements à la production. Les charges qui pèsent sur le travail pénalisent le financement de la solidarité puisque cela incite les entreprises à délocaliser et donc à détruire des emplois en France.... Le Cerf est depuis longtemps un fervent défenseur de la TVA sociale : la protection sociale serait en partie financée équitablement par la consommation de produits fabriqués en France comme à l'étranger. Alors que le président de la République a décidé de réformer la Taxe professionnelle quand tant de gouvernements avaient souhaité le faire avant lui sans jamais oser, il ne faudrait pas que les parlementaires torpillent une réforme qui ne pourra être que bénéfique à terme pour l'économie locale, les emplois et les impôts locaux.

Partager cet article
Repost0
24 octobre 2009 6 24 /10 /octobre /2009 07:19

Simon-Pierre TREZEGUET,  Animateur de la fédération Haute Normandie et membre de la commission Pacte Social et Cohésion Sociale, nous propose quelques pistes de réflexion concernant le surendettement et par la même la lutte contre les processus d'exclusion sociales. 
N'hésitez pas à nous faire part de vos réactions en nous faisant des commentaires.


Jean- Loup Dujardin
Animateur de la Fédération 92 de LGM
Animateur de la Commission Pacte Social et Cohésion Sociale

Membre du Conseil Politique de La Gauche Moderne

Surendettement: osons le courage politique


Le surendettement est une plaie sociale, qui frappe d’abord les plus fragiles.  Ce constat est largement partagé, les mesures pour lutter contre ce phénomène connues.  Pourtant, grâce à un lobbying efficace des bénéficiaires de ces pratiques (organismes de crédit à la consommation, grandes surfaces, etc.), rien ne bouge.  Une discussion au Parlement est prévue pour cet hiver à ce sujet.  Il ne s’agit pas ici de stigmatiser tel organisme financier, ni même d’interdire tel type de crédit (revolving).  Il s’agit uniquement de proposer la mise en place des mécanismes qui permettent d’éviter que des ménages se retrouvent surendettés, souvent sans que cela soit lié à un manque de revenus.

 

Quelles mesures prendre ?

1/ Mettre en place le fichier positif.  Aujourd’hui, la France dispose d’un fichier négatif, c’est-à-dire listant les ménages présentant des incidents de paiement.  Le fichier positif, qui a été mis en place avec succès en Belgique (réduction drastique du nombre de surendettés), consiste à tenir un fichier de tous les crédits contractés par les ménages, l’objectif étant que les organismes de financement n’accordent pas de nouveau crédit aux ménages déjà lourdement endettés (seuil à définir : 40% du revenu disponible ?).  Bien sûr, des garde-fous s'imposent pour qu'un tel fichier ne soit pas exploité commercialement (la Belgique a trouvé les parades, inspirons-nous en).

 

2/ Abaisser le taux de l’usure à 10-12% (taux interbancaire plus 10% ?).  Cela limitera mécaniquement les taux des crédits court-terme, qui atteignent souvent plus de 16% aujourd'hui, et abaissera le niveau de risque que les organismes financiers sont prêts à prendre.

 

3/ Impliquer le Trésor Public : les amendes ou impôts non-payés finissent par représenter des montants très importants.  Cela aggrave la difficulté des ménages fragiles.  Le Trésor Public accepte souvent un échelonnement du paiement, parfois même l’impose par le biais d’une saisie sur salaire, mais accepte rarement d’effacer les pénalités de retard.  Quand on gagne le SMIC, un paiement de 90 euros représente un gros montant.  Sauf à effectuer des démarches, compliquées quand on travaille, le paiement est exigé en une fois.  Sans doute faut-il prévoir un paiement en 6 fois sans frais pour toutes les amendes.

 

4/ Limiter la vente couplée produit/crédit et clarifier les engagements des cartes Magasin de fidélité et de paiement.  Aménagement de la maison, loisirs : de nombreux commerces s’appuient sur des mensualités très faibles pour vendre leurs produits.  C’est l’accumulation de ces petits crédits qui souvent crée les conditions du surendettement.  De même, les cartes Magasin sont souvent des crédits revolving déguisés.  Il convient de réfléchir à mieux séparer vente du produit et financement, et à mieux informer les consommateurs des services qu’ils achètent.

 

En conclusion, quelques pistes simples à mettre en oeuvre existent.  D'autrres pays se sont déjà emparés de ce sujet, avec réussite.  Exhortons nos députés à agir dans le sens de l'intérêt général ! Lutter contre le surendettement, c'est oeuvrer à la cohésion sociale...

Simon-Pierre Trezeguet
Article publié sur le blog La gauche Moderne Haute Normandie



Partager cet article
Repost0
23 octobre 2009 5 23 /10 /octobre /2009 02:47


La candidature de Jean Sarkozy à la Présidence de l’ EPAD qui devait voir aujourd’hui son premier acte a, durant les quinze derniers jours,
provoquée un tollé (en dénonçant une candidature scandaleuse et népotique) au sein de l'opposition et parfois  semé une certaine gêne   dans les rangs de la majorité présidentielle.
 

Hier soir, dans le  journal de 20 H de France 2, Jean Sarkozy a annoncé son retrait de la course à la présidence de l’EPAD (Etablissement public d'aménagement de La Défense). En précisant, «Je serai candidat au poste d'administrateur de l'EPAD, mais si je suis élu, je ne briguerai pas la présidence » mettant ainsi un terme à toute polémique.
 

Cette décision qu’il a « pris seul » et qu’il « assume seul».  s’appuie sur :

-     -  un constat, l’orchestration d’une "campagne de manipulation et de désinformation",

-      -  une volonté de transparence « Je n'accepte pas que ce soupçon de favori, de passe-droit ou de traitement de faveur puisse peser",

-       une intégrité «  Je ne veux pas d'une victoire qui porte le poids d'un tel soupçon ».
 

Il est communément admis qu’il faut apprendre pour comprendre et comprendre pour agir. Force est de constater  que  Jean Sarkozy  en a fait, hier soir, la démonstration. 
 

D’une part, il a signifié a ceux qui l'ont «attaqué», «n'avoir aucune amertume» en précisant que «les critiques font partie du combat politique »et qu’il avait « beaucoup appris de cette épreuve».

D’autre part, il a affirmé qu’il avait « un choix de raison qui n'altère en rien ma passion de l'engagement politique» et que cette dernière « ne va pas faiblir ».

 

Dans les prochaines heures, le choix  de Jean Sarkozy  va sans nul doute suscité de multiples réactions.

En ce qui me concerne, je suis persuadé que Jean Sarkozy, par le choix qu’il a fait et la décision qu’il a prise,  a fait la démonstration, tant à ceux qui le soutenaient qu’à ces détracteurs, qu’il possédait un sens de l’écoute, une capacité d’analyse  et par la même une maturité politique que certains doivent lui enviaient.

Enfin et pour conclure, j’estime que les élections se "jouent"  sur le terrain des idées, des propositions et du débat, et non sur les attaques personnelles ou spécieuses qui n’ont que peu  ou prou  d’intérêt dans la construction d’une société juste et solidaire

 

                                                                Jean-Loup DUJARDIN

Partager cet article
Repost0
23 octobre 2009 5 23 /10 /octobre /2009 02:38

La candidature de Jean Sarkozy à la Présidence de l’ EPAD qui devait voir aujourd’hui son premier acte a, durant les quinze derniers jours, provoquée un tollé (en dénonçant une candidature scandaleuse et népotique) au sein de l'opposition et parfois  semé une certaine gêne   dans les rangs de la majorité présidentielle.

Hier soir, dans le  journal de 20 H de France 2, Jean Sarkozy a annoncé son retrait de la course à la présidence de l’EPAD (Etablissement public d'aménagement de La Défense). En précisant, «Je serai candidat au poste d'administrateur de l'EPAD, mais si je suis élu, je ne briguerai pas la présidence » mettant ainsi un terme à toute polémique.

Cette décision qu’il a « pris seul » et qu’il « assume seul».  s’appuie sur :

-       un constat, l’orchestration d’une "campagne de manipulation et de désinformation",

-       une volonté de transparence « Je n'accepte pas que ce soupçon de favori, de passe-droit ou de traitement de faveur puisse peser",

-       une intégrité «  Je ne veux pas d'une victoire qui porte le poids d'un tel soupçon ».

Il est communément admis qu’il faut apprendre pour comprendre et comprendre pour agir. Force est de constater  que  Jean Sarkozy  en a fait, hier soir, la démonstration. 

D’une part, il a signifié a ceux qui l'ont «attaqué», «n'avoir aucune amertume» en précisant que «les critiques font partie du combat politique »et qu’il avait « beaucoup appris de cette épreuve».

D’autre part, il a affirmé qu’il avait « un choix de raison qui n'altère en rien ma passion de l'engagement politique» et que cette dernière « ne va pas faiblir ».

 

Dans les prochaines heures, le choix  de Jean Sarkozy  va sans nul doute suscité de multiples réactions.

En ce qui me concerne, je suis persuadé que Jean Sarkozy, par le choix qu’il a fait et la décision qu’il a prise,  a fait la démonstration, tant a ceux qui le soutenaient qu’a ces détracteurs, qu’il possédait un sens de l’écoute une capacité d’analyse  et par la même une maturité politique que certains doivent lui enviaient.

Enfin et pour conclure, j’estime que les élections se "jouent"  sur le terrain des idées, des propositions et du débat, et non sur les attaques personnelles ou spécieuses qui n’ont que peu  ou prou  d’intérêt dans la construction d’une société juste et solidaire

 

                                                                Jean-Loup DUJARDIN

Partager cet article
Repost0
22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 07:14

par Jean-Louis Caccomo
...


Les pourfendeurs de la pensée unique ne se rendent-ils pas compte qu’ils sont précisément les agents et les promoteurs de ladite pensée unique ? Qu'ils soient chroniqueurs, humoristes, journalistes, politologues, experts officiels, ils sont partout, sur tous les plateaux de télévision, sur les ondes radios et distillent en permanence la pensée convenue et conformiste qui consiste à réciter tous les couplets de l’antilibéralisme. Se croyant originaux et impertinents, ils se conforment en fait tous au même moule. Ils croient dépasser les bornes et jouent à merveille le rôle de gardien de la pensée conforme. Car le conformiste est anti-libéral.


Dans le milieu académique, c’est encore plus flagrant. Il existe notamment un débat récurrent consistant à dénoncer la formalisation outrancière de la science économique en y voyant le signe de l’hégémonie de la «pensée ultra-libérale». C’est un des traits singuliers de la pensée conformiste que de voir un « complot libéral » partout, notamment camouflé dans les équations des modèles macroéconomiques. Les mathématiques seraient le cheval de troie du grand satan libéral.
Pourtant, le besoin de mesure, de formalisation et d’abstraction de la science économique est en grande partie le résultat de la volonté de planification et d’expérimentation de politiques économiques et de réglementations. Pour prévoir et évaluer les rentrées fiscales liées à l’adoption d’un nouvel impôt, encore faut-il disposer d’un modèle macroéconomique fondé sur des hypothèses très précises. Ceux qui modélisent ont toujours la prétention, pour ne pas dire la vanité, de contrôler les phénomènes économiques et sociaux. Et ils iront jusqu’à s’en prendre aux individus réels si ces derniers ne se comportent pas comme leurs équations l’auraient prévu. Voyez comment le pouvoir politique s’en prend aux restaurateurs qui n’ont pas joué le jeu de la répercussion de la baisse de la TVA dans le prix des menus parce que les modèles avaient sans doute prévu un tel effet. Mais un chercheur ne construit pas un modèle en fonction des résultats qu’il désire ; il se doit de formaliser une réalité qui lui est extérieure et qui échappe à sa volonté.

Tout le programme de recherche actuel de la «nouvelle micro-économie» est d’établir qu’il n'est pas optimal de laisser des individus libres de prendre des décisions en fonction de leurs intérêts privés. Et toute la formalisation est orientée en ce sens. Un chercheur qui tenterait de prendre une direction opposée ne trouverait plus de financement ni de laboratoire d’accueil.
Pourtant, nous sommes à la limite du scientisme car l’intention est contenue dans les hypothèses : exit la main invisible. D’ailleurs, pour le prix Nobel Joseph Stiglitz, si elle est invisible cette fameuse main, c’est probablement qu’elle n’existe pas ! Si les physiciens raisonnaient ainsi, alors les ondes ou les trous noirs n’existeraient pas.
Les manuels modernes d’économie présentent « les défaillances du marché » comme des postulats que l’on ne saurait remettre en question, et qui rendent l’action publique autant indispensable que providentielle. Car c’est bien connu que l’action publique n’est frappée d’aucune de ces défaillances inhérentes à l’action privée… Et l’économiste qui prendrait le risque de prétendre le contraire ne peut plus prétendre faire carrière.

La «nouvelle théorie du commerce international s'inscrit dans cet élan similaire pour démontrer que l’on ne saurait faire confiance au libre-échange pour obtenir des échanges internationaux harmonieux. Il n’aura en effet échappé à personne que les négociations collectives organisées sous l’égide de l’O.M.C., qui voient s’affronter les corporatismes nationaux au risque de dégénérer en guerre économique larvée, constituent un modèle d’harmonie internationale. Rappelons que l’OMC est issue d’une transformation du G.A.T.T. Mais les missions du GATT étaient claires : il s’agissait d’abaisser les tarifs douaniers - ce qui a été accompli essentiellement dans l’industrie - en vue de fluidifier le commerce international. L’OMC prétend « réguler » le commerce entre les nations en imposant des normes qualitatives (environnementales, sociales, sanitaires) qui font ressurgir les tentations protectionnistes. Mais la définition de pareilles normes est bien plus problématique et leur généralisation est perçue par les pays moins avancés comme un protectionnisme déguisé mis en œuvre par les pays développés.

Pareillement, la «nouvelle économie du travail» montre que le chômage n’est pas le résultat d’entrave au libre fonctionnement du marché. Les théoriciens ont alors inventé le concept de «chômage d’équilibre» selon lequel le chômage résulte du jeu des décisions d’agents rationnels. Il en découle qu’il n’est pas « optimal » pour la collectivité de laisser des individus rationnels s’entendre autour d’un contrat de travail librement négocié en vertu de ces imperfections concurrentielles qui aboutissent à générer du chômage structurel. Là aussi, les négociations collectives encadrées par les partenaires sociaux – qui n’ont qu’un seul leitmotiv : la grève générale - constituent sans doute un modèle qui nous permet d’éviter ce chômage imputable aux forces du marché et il n’aura échappé à personne que le « dialogue social » à la française est un modèle d’harmonie collective. Enfin, la «nouvelle théorie de la croissance» repose sur des modèles dynamiques dits de « croissance endogène » qui font de l’Etat un «planificateur bienveillant» indispensable à la régulation d’ensemble.

Ces quelques exemples montrent que, loin d’assister à une hégémonie de la pensée libérale dans les milieux académiques, c’est à un retour en force des conceptions interventionnistes – relookées sous le vernis de fondements microéconomiques savants et de bons sentiments – que nous assistons depuis plus de 25 ans. Et les derniers prix Nobel d’économie (Stiglitz, Krugman, Williamson et Ostrom) confirment cette tendance lourde. Dans ce contexte, il est pour le moins cocasse de parler de libéralisme triomphant. Le libéralisme recule - et ses ennemis s’en réjouissent - sans doute parce que les hommes ne sont plus à la hauteur des valeurs exigeantes qu’il implique. Les « idiots utiles » nous racontent que le capitalisme n’obéit à aucune valeur ni morale. En fait, l’économie ne fonctionne plus quand les hommes oublient les valeurs qu’une économie de liberté et de responsabilité implique.

Jean-Louis Caccomo

Partager cet article
Repost0
22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 07:14

par Jean-Louis Caccomo
...


Les pourfendeurs de la pensée unique ne se rendent-ils pas compte qu’ils sont précisément les agents et les promoteurs de ladite pensée unique ? Qu'ils soient chroniqueurs, humoristes, journalistes, politologues, experts officiels, ils sont partout, sur tous les plateaux de télévision, sur les ondes radios et distillent en permanence la pensée convenue et conformiste qui consiste à réciter tous les couplets de l’antilibéralisme. Se croyant originaux et impertinents, ils se conforment en fait tous au même moule. Ils croient dépasser les bornes et jouent à merveille le rôle de gardien de la pensée conforme. Car le conformiste est anti-libéral.


Dans le milieu académique, c’est encore plus flagrant. Il existe notamment un débat récurrent consistant à dénoncer la formalisation outrancière de la science économique en y voyant le signe de l’hégémonie de la «pensée ultra-libérale». C’est un des traits singuliers de la pensée conformiste que de voir un « complot libéral » partout, notamment camouflé dans les équations des modèles macroéconomiques. Les mathématiques seraient le cheval de troie du grand satan libéral.
Pourtant, le besoin de mesure, de formalisation et d’abstraction de la science économique est en grande partie le résultat de la volonté de planification et d’expérimentation de politiques économiques et de réglementations. Pour prévoir et évaluer les rentrées fiscales liées à l’adoption d’un nouvel impôt, encore faut-il disposer d’un modèle macroéconomique fondé sur des hypothèses très précises. Ceux qui modélisent ont toujours la prétention, pour ne pas dire la vanité, de contrôler les phénomènes économiques et sociaux. Et ils iront jusqu’à s’en prendre aux individus réels si ces derniers ne se comportent pas comme leurs équations l’auraient prévu. Voyez comment le pouvoir politique s’en prend aux restaurateurs qui n’ont pas joué le jeu de la répercussion de la baisse de la TVA dans le prix des menus parce que les modèles avaient sans doute prévu un tel effet. Mais un chercheur ne construit pas un modèle en fonction des résultats qu’il désire ; il se doit de formaliser une réalité qui lui est extérieure et qui échappe à sa volonté.

Tout le programme de recherche actuel de la «nouvelle micro-économie» est d’établir qu’il n'est pas optimal de laisser des individus libres de prendre des décisions en fonction de leurs intérêts privés. Et toute la formalisation est orientée en ce sens. Un chercheur qui tenterait de prendre une direction opposée ne trouverait plus de financement ni de laboratoire d’accueil.
Pourtant, nous sommes à la limite du scientisme car l’intention est contenue dans les hypothèses : exit la main invisible. D’ailleurs, pour le prix Nobel Joseph Stiglitz, si elle est invisible cette fameuse main, c’est probablement qu’elle n’existe pas ! Si les physiciens raisonnaient ainsi, alors les ondes ou les trous noirs n’existeraient pas.
Les manuels modernes d’économie présentent « les défaillances du marché » comme des postulats que l’on ne saurait remettre en question, et qui rendent l’action publique autant indispensable que providentielle. Car c’est bien connu que l’action publique n’est frappée d’aucune de ces défaillances inhérentes à l’action privée… Et l’économiste qui prendrait le risque de prétendre le contraire ne peut plus prétendre faire carrière.

La «nouvelle théorie du commerce international s'inscrit dans cet élan similaire pour démontrer que l’on ne saurait faire confiance au libre-échange pour obtenir des échanges internationaux harmonieux. Il n’aura en effet échappé à personne que les négociations collectives organisées sous l’égide de l’O.M.C., qui voient s’affronter les corporatismes nationaux au risque de dégénérer en guerre économique larvée, constituent un modèle d’harmonie internationale. Rappelons que l’OMC est issue d’une transformation du G.A.T.T. Mais les missions du GATT étaient claires : il s’agissait d’abaisser les tarifs douaniers - ce qui a été accompli essentiellement dans l’industrie - en vue de fluidifier le commerce international. L’OMC prétend « réguler » le commerce entre les nations en imposant des normes qualitatives (environnementales, sociales, sanitaires) qui font ressurgir les tentations protectionnistes. Mais la définition de pareilles normes est bien plus problématique et leur généralisation est perçue par les pays moins avancés comme un protectionnisme déguisé mis en œuvre par les pays développés.

Pareillement, la «nouvelle économie du travail» montre que le chômage n’est pas le résultat d’entrave au libre fonctionnement du marché. Les théoriciens ont alors inventé le concept de «chômage d’équilibre» selon lequel le chômage résulte du jeu des décisions d’agents rationnels. Il en découle qu’il n’est pas « optimal » pour la collectivité de laisser des individus rationnels s’entendre autour d’un contrat de travail librement négocié en vertu de ces imperfections concurrentielles qui aboutissent à générer du chômage structurel. Là aussi, les négociations collectives encadrées par les partenaires sociaux – qui n’ont qu’un seul leitmotiv : la grève générale - constituent sans doute un modèle qui nous permet d’éviter ce chômage imputable aux forces du marché et il n’aura échappé à personne que le « dialogue social » à la française est un modèle d’harmonie collective. Enfin, la «nouvelle théorie de la croissance» repose sur des modèles dynamiques dits de « croissance endogène » qui font de l’Etat un «planificateur bienveillant» indispensable à la régulation d’ensemble.

Ces quelques exemples montrent que, loin d’assister à une hégémonie de la pensée libérale dans les milieux académiques, c’est à un retour en force des conceptions interventionnistes – relookées sous le vernis de fondements microéconomiques savants et de bons sentiments – que nous assistons depuis plus de 25 ans. Et les derniers prix Nobel d’économie (Stiglitz, Krugman, Williamson et Ostrom) confirment cette tendance lourde. Dans ce contexte, il est pour le moins cocasse de parler de libéralisme triomphant. Le libéralisme recule - et ses ennemis s’en réjouissent - sans doute parce que les hommes ne sont plus à la hauteur des valeurs exigeantes qu’il implique. Les « idiots utiles » nous racontent que le capitalisme n’obéit à aucune valeur ni morale. En fait, l’économie ne fonctionne plus quand les hommes oublient les valeurs qu’une économie de liberté et de responsabilité implique.

Jean-Louis Caccomo

Partager cet article
Repost0
19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 12:13

...Par Jean-Louis Caccomo...


Le directeur de la C.I.A a dit un jour à l’occasion d’une conférence : « le renseignement est le plus vieux métier du monde ». Quelqu’un dans l’assistance lui rétorqua : « non, c’est la prostitution ! ». Alors il répondit : « vous avez raison, mais encore faut-il savoir où sont les prostituées ! ».

 

Depuis des millénaires, les rois, les reines, les empereurs et les généraux ont cherché à mettre au point des moyens de communication efficaces pour gouverner leur pays ou commander leurs armées. Dans le même temps, ils étaient conscients des risques encourus si leurs messages tombaient entre les mains de l’ennemi. C’est la crainte de ces interceptions qui fut à l’origine du développement des codes et des chiffres, qui sont des techniques utilisées pour déguiser un message afin d’en brouiller le sens. On doit à Jules César le fameux chiffre qui porte son nom.
Le souci de confidentialité a entraîné les nations à créer des services secrets, chargés d’assurer la sécurité des communications par l’invention et la mise en œuvre des meilleurs codes possibles. Parallèlement, les décodeurs ennemis s’acharnèrent à briser les codes. Ces activités ont donné naissance aux « services d’intelligence ». Il est remarquable de constater que l’affrontement séculaire entre les concepteurs de code d’un côté et les briseurs de codes de l’autre côté a nourrit une formidable avancées des sciences (notamment des mathématiques) et des techniques.
Dans ce domaine aussi, c’est souvent la compétition, voire l’affrontement, qui constitue un puissant stimulant pour la créativité et l’innovation. L’issue de la seconde guerre mondiale a tenu à la capacité des services secrets alliés à briser le système de chiffrage nazi (fondé sur l’utilisation de la machine « Enigma », sans doute la première machine électromécanique à coder).

 

L’intelligence économique a donc une origine militaire. L’intelligence militaire fut très tôt basée sur la technique du cryptage. Le cryptage est un moyen de protéger notre intimité, ou de garantir aujourd’hui le succès des marchés électroniques. Mais la demande croissante et légitime du public en matière de cryptage – protection de la vie privée – se heurte à la nécessité d’appliquer les lois et d’assurer la sécurité nationale. Le débat autour du secret bancaire illustre ce propos. Le secret bancaire est une aspiration légitime des titulaires de comptes (personne n’apprécie que l’on fouille dans ses comptes au nom de la transparence) et un service fondamental offert par la banque à ses clients de la même manière que le secret médical est ce qui permet de créer une relation de confiance entre le médecin et son patient. Mais le secret bancaire permet aussi de couvrir des activités illicites contre lesquelles les Etats ont le devoir de lutter.

 
Pendant des décennies, la police et les services secrets ont utilisé des écoutes pour déjouer les plans des terroristes ou lutter contre la criminalité organisée, mobilisant des techniques de plus en plus sophistiquées dont l’Etat avait le monopole. Mais les hommes de pouvoir peuvent invoquer la raison d’Etat pour pratiquer des écoutes bien illégitimes et détourner ces outils à des fins personnelles. C’est pourquoi les défenseurs des droits individuels poussent à l’usage répandu du cryptage pour préserver l’intimité de nos vies privées. Pareillement, les entreprises (notamment les banques) réclament un cryptage sûr pour le développement de leurs propres réseaux d’informations et pour protéger leurs informations sensibles. Ainsi, les acteurs privés peuvent disposer librement des outils autrefois réservés aux seuls services secrets.

De leurs côtés, les forces de l’ordre font pression sur les gouvernements pour qu’ils restreignent l’usage privé du codage. Au nom de la lutte contre le blanchiment de l’argent sale ou de la fraude fiscale, les services du fisc défendent des arguments similaires. Il y a toujours un arbitrage difficile à faire : à quoi attribuons-nous le plus de prix, au respect de notre vie privée ou à une police (une sécurité) plus efficace ? On retrouve le dilemme plus fondamental entre liberté et sécurité.

 

Les militaires considèrent que la première guerre mondiale fut la guerre des chimistes, parce que le gaz moutarde et le chlore y furent employés pour la première fois. De la même manière, la deuxième guerre mondiale avait été celle des physiciens, en raison du recours ultime à la bombe atomique. S’il devait y avoir une troisième guerre mondiale, elle serait la guerre des mathématiciens, dans la mesure où ces derniers contrôleront la prochaine arme de guerre déterminante : l’information. En tout cas, l’information est déjà l’argument de la compétition économique et l’instrument de l’intelligence économique.

 

Jean-Louis Caccomo,

Partager cet article
Repost0
17 octobre 2009 6 17 /10 /octobre /2009 09:56

La République ne peut ne doit souffrir d'aucun prosélytisme religieux quel qu'il soit.
Il y a une dizaine de jours nous vous convions à une conférence sur la  laïcité. Cette conférence, compte tenu des débats actuels sur les valeurs de la République et de la Citoyenneté a permit   d'aborder les trois piliers fondamentaux de la République "Liberté - Egalité - Fraternité" et par la même de mieux appréhender le rôle  de la laïcité dans notre quotidienneté  . 
Aujourd'hui , nous vous proposons la lecture d'une interview de Madame BENHABIB
Merci de nous faire part de vos réflexions 

Jean- Loup Dujardin
Animateur de la Fédération 92 de la GM
Membre du Conseil Politique de la Gauche Moderne



Quand la religion dicte la loi, la vie publique se sclérose

L’essayiste algérienne Djemila Benhabib s’élève contre l’islam politique, porté par une minorité de musulmans.

Née en Ukraine en 1972 d’une mère chypriote grecque et d’un père algérien, Djemila Benbabib a grandi à Oran, en Algérie. Condamnée à mort par les islamistes, sa famille, engagée dans les luttes politiques et sociales, se réfugie en France en 1994. Trois ans plus tard, elle s’installe, seule, au Québec,

où son livre Ma vie à contre-Coran rencontre un franc succès. L’ouvrage va paraître le 15 octobre en France.

Quelle a été votre motivation première en écrivant ce livre ? Est-ce parce qu’il fallait que d’autres voix de culture musulmane que celle des islamistes se fassent entendre ?

Djemila Benhabib. Il arrive des événements dans la vie qui vous font sentir votre responsabilité particulière dans le débat qui transcende votre société. On en arrive finalement à cette question philosophique : pourquoi est-ce que j’existe ? Je ne pouvais continuer à exister sans prendre part, d’une façon active, à ce qui se déroulait autour de moi. Bien sûr, j’aurais pu choisir de m’installer dans le confort de mon anonymat. Cependant, j’ai choisi de parler parce que je crois

en la capacité de la parole à changer les choses. J’ai choisi de m’engager pour défendre la laïcité et l’égalité parce que l’engagement, comme le disait Camus, donne du sens à la vie.

N’est-ce pas contradictoire d’intituler votre livre Ma vie à contre-Coran, alors que vous affirmez que l’islamisme n’est pas l’islam ?

Djemila Benhabib. Certes, l’islamisme n’est pas l’islam, mais il prend racine dans l’islam, il en est une interprétation, la plus radicale. Ce titre, c’est avant tout un jeu de mots que nous permet de faire cette langue française merveilleusement féconde. Alors pourquoi se le refuser ?

Diriez-vous que dans vos deux pays d’accueil, la France puis le Québec, le système politico-religieux s’installe de la même façon que celui qui vous a obligée à quitter l’Algérie ?

Djemila Benhabib. Absolument. On sent de l’égarement. On oublie que la laïcité est l’aboutissement historique d’un long processus et qu’on y est arrivé par nécessité. C’est comme si la collusion du religieux et du politique n’avait jamais existé alors qu’elle était la norme en Europe, et c’est précisément pour éviter ces dérives qu’on a confiné le religieux à la sphère privée. Au Québec, on souligne cette année le 50e anniversaire de la mort de l’ancien premier ministre, Duplessis. C’est extraordinaire de voir à quel point l’alliance entre le clergé catholique et l’État était lourde de conséquences pour toute la société, et particulièrement pour les femmes.

Comment expliquer la montée de cette idéologie conservatrice, particulièrement redoutable pour la liberté des femmes ?

Djemila Benhabib. Les droits des femmes ont avancé, ces soixante dernières années, d’une façon vertigineuse en Occident, mais ce n’est rien comparé aux deux mille ans de patriarcat, voire davantage, que nous traînons derrière nous. Chaque fois qu’un mouvement conservateur prend forme dans une société, il s’attaque d’abord aux droits des femmes parce que les reliquats du patriarcat sont encore puissants. Les facteurs qui provoquent la résurgence de ces idéologies conservatrices sont multiples et convergents, mais ils sanctionnent surtout une panne du politique.

Vous écrivez : « L’Algérie m’a donné la force, la France la liberté et le Québec des ailes. » Pouvez-vous expliciter ?

Djemila Benhabib. Comme le disait Saint-Exupéry, c’est dans l’adversité qu’on se forge. J’en ai rencontré beaucoup en Algérie et c’est ainsi que j’ai grandi, avec une soif immense de liberté dont je n’ai pu jouir pleinement qu’une fois installée en France parce que, la condition des femmes étant ce qu’elle est, en Algérie, on ne peut y vivre librement. Le Québec m’a permis de me réaliser dans toutes mes dimensions et d’aller jusqu’au bout de mes rêves les plus intimes. C’est en cela qu’il m’a donné des ailes.

Vous dites que « la laïcité est, elle, la seule voie de cohabitation possible » en Algérie, en France comme au Québec. Pourquoi ?

Djemila Benhabib. L’histoire regorge d’exemples de religions qui débordent de la sphère privée pour envahir la sphère publique et devenir la loi. Dans ce contexte, les femmes sont les premières perdantes. Pas seulement. La vie, dans ses multiples dimensions, se sclérose lorsque la loi de Dieu se mêle à la loi des hommes pour organiser les moindres faits et gestes de chacun. Il n’y a plus de place pour les avancées scientifiques, la littérature, le théâtre, la musique, la danse, la peinture, le cinéma, la vie tout simplement. Seuls la régression et les interdits se multiplient. C’est ce qu’il faut éviter à tout prix si notre prétention est de vouloir continuer de faire avancer l’humanité.

L’Initiative féministe européenne organise une rencontre avec l’auteure, demain, à 18 h 30, à la Maison des associations, 8, rue du Général-Renault, 75011 Paris, métro Voltaire ou Saint-Amboise.

Entretien réalisé par Mina Kaci

 

 

Partager cet article
Repost0
15 octobre 2009 4 15 /10 /octobre /2009 23:42



Tribune de Jean-Marie Bockel dans Le Monde daté du 14 10 09
...


La prison serait-elle l’École du vice, ou tout au contraire un lieu de contention réglé par un régime punitif et disciplinaire dégradant, synonyme de tous les arbitraires ?

Contempteurs de l’enfermement ou zélotes de la détention punitive, trop souvent les discours angéliques ou ultra-sécuritaires se croisent et se nourrissent mutuellement à partir d’un même déni du réel.


L’une des caractéristiques essentielles du cœur de ce qui fait l’institution pénitentiaire : l’isolement dans un espace clos et coupé de l’extérieur, semble de moins en moins pertinente.

Faut-il le rappeler, depuis 1985, les soins psychiatriques ne dépendent plus de l’Administration pénitentiaire et depuis 1994, cette situation s’est élargie à l’ensemble des soins. De surcroît, la prison en s’ouvrant sur l’extérieur a fait entrer en son sein, outre les magistrats et les avocats, une multiplicité de nouveaux intervenants : enseignants, parlementaires, visiteurs de prisons, aumôniers, délégués du médiateur, Contrôleur général des lieux de privation de libertés, associations. Ces évolutions tendent à affaiblir les modèles des années 70, l’institution n’est plus aussi « totale » qu’il n’y paraissait.


Pourtant certaines figures emblématiques d’un militantisme anti-carcéral, tout à fait estimable ne s’embarrassent guère de ces scrupules méthodologiques. Ils semblent traquer, derrière chaque indice du mal-être carcéral, la justification de la Cause de l’abolition des prisons. Ce combat respectable, ne justifie pas, à l’instar des propos tenus par Florence Aubenas, que les dispositions novatrices du projet de loi pénitentiaire soient disqualifiées comme un simple habillage d’un régime disciplinaire immuable. 


Il est cependant une question à laquelle les abolitionnistes hier comme aujourd’hui n’ont jamais apporté de réponse : par quoi remplacer la prison ?

L’abolitionnisme a pourtant, au cours de notre histoire récente réalisé son programme, dans un secteur particulier de la société, sous la pression de l’antipsychiatrie. Il est possible aujourd’hui d’en évaluer les dégâts. Les murs asilaires sont certes tombés, entraînant la destruction de 40 000 lits de psychiatrie en 20 ans. Résultat : une grande partie de cette population en déshérence se retrouve entre les murs de l’institution pénitentiaire. La prison a-t-elle vocation à être un asile de substitution ? Ce transfert des pathologies psychiques au sein de l’univers carcéral rajoute assurément de la complexité et de la souffrance au sein d’une institution qui n’en avait pas besoin.


C’est par une faute d’inertie politique que les prisons ont été victimes d’une sorte d’oubli dans l’agenda politique.

Ainsi, en 2001, l’échec du projet de loi pénitentiaire préparé, lorsque Marylise Lebranchu était ministre de la Justice, consacrait l’enlisement d’un chantier, fixé dès novembre 2000 au rang de priorité par le Premier Ministre de l’époque, Lionel Jospin.



Pouvait-on accepter dès lors de laisser nos prisons dériver au gré des majorités successives dans cette obscurité honteuse ?


Le gouvernement de François Fillon a pris l’initiative d’amarrer la prison aux enjeux démocratiques. Le Président de la République, lors de son discours au Congrès a fait de cet enjeu, un chantier décisif, à cette étape de la mandature.

Pour incontestables que soient les avancées de l’État de droit en prison, il fallait en effet les stabiliser dans un texte normatif qui permette de délimiter les missions du service public pénitentiaire, de définir son code de déontologie, de garantir la protection des droits des personnes détenues, de clarifier les régimes de détention ainsi que les aménagements de peine.


C’est la raison pour laquelle le gouvernement a souhaité rassembler dans un texte unique, que nous avons défendu à l’assemblée nationale avec le Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, les missions de surveillance et de réinsertion des personnes placées sous main de justice. Au-delà des restrictions qui résultent des contraintes inhérentes à la détention, de la prévention des infractions et de la protection de l’intérêt des victimes sont énoncées dans ce projet de loi l’ensemble des droits qui doivent continuer à prévaloir dans leur intégralité.


Enfin le projet de loi pénitentiaire vise à clarifier les régimes de détention. Des efforts considérables ont été développés depuis 2002, grâce à un programme de constructions de 13 200 places, qui permettra d’atteindre, en 2012, une capacité de 63 000 places. Si le principe d’encellulement individuel est conforme à une exigence de dignité individuelle, il peut être nuancé, au regard des nécessités  de prévention du suicide et du profil psychologique de certains détenus.

 

Le point d’équilibre réside bien dans le réalisme pénal et pénitentiaire qui inspire le projet de loi pénitentiaire.

Tant qu’elle reste indicible, la prison demeure une sorte de mythologie obscure qui trimballe avec elle son lot de fascination ou de répulsion, laissant la société démocratique dans une sorte de sidération entre mauvaise conscience et ressentiment à l’égard de ceux qui ont transgressé la loi commune.

Il est grand temps de réintégrer la prison réelle dans l’espace de la délibération démocratique, afin qu’elle cesse justement d’en être la part maudite. 

 

Jean-Marie Bockel

Secrétaire d’État à la Justice

 

Partager cet article
Repost0