Disons que j'ai du mal à y croire. Martine Aubry a certes pratiqué un exercice de synthèse - que j'ai bien connu quand j'étais au PS - mais j'ai du mal à penser qu'il puisse marquer une unité retrouvée. Dans tout ce qui a été dit cet été par les uns et les autres, on a en effet pu observer des visions stratégiques très différentes. Et connaissant bien les socialistes, je ne crois pas une seconde que tout ceci ait pu disparaître en deux jours à La Rochelle.
On a tout de même senti que Martine Aubry avait fixé un cap précis, tant au niveau calendrier que du projet…
Sur le calendrier, je ne le conteste pas, bien que je demande à voir sur quoi cela va déboucher dans les faits. Sur le projet, permettez-moi de vous dire que cela serait une grande première… Non pas que le PS sorte un document qui s'appelle projet, mais qu'il arrive à proposer aux Français une alternative crédible à la politique de réformes que nous menons. Je serais même extrêmement étonné que ce soit le cas.
La "régression" du coup de barre à gauche
Tout de même, valider le principe de primaires ouvertes ou organiser la consultation des militants au sujet de nouvelles règles au PS, c'est bien un signe d'ouverture du parti?Je le dis sans esprit polémique, mais à La Rochelle, on a quand-même vu Mme Duflot (secrétaire nationale des Verts, ndlr) venir faire la leçon aux socialistes (lire: Duflot en toute franchise). Quant à Martine Aubry, si son discours de vendredi donnait certains gages d'ouverture à ses partenaires, celui de dimanche a absolument tout refermé, tout reverrouillé. On a assisté au retour de la rhétorique classique du Parti socialiste, quand elle a par exemple expliqué que le projet socialiste devait précéder la question des alliances.
En somme, vous semblez ne pas beaucoup croire à une possible alliance entre le PS et Europe Ecologie…
Je connais trop bien les différences à la fois idéologiques mais également de projet qui existent entre socialistes et écologistes. Regardezla cacophonie actuelle sur la taxe carbone par exemple. Je suis donc très sceptique sur leur capacité à trouver un terrain d'entente sur les bases d'un projet de gouvernement de la France. Le rapprochement de ce week-end n'était qu'un effet d'optique. Un bel effet certes, mais quand on creuse un peu, on se rend vite compte que cela ne marchera jamais. J'ai trop d'expérience de tout cela pour y croire, j'ai traversé trop de déceptions au sein du PS pour être séduit par ce que je considère être une illusion.
Dans son discours de clôture, Martine Aubry a mis la barre à gauche (lire: Aubry redonne espoir au PS). Certaines de ses propositions vous ont-elles séduit?
Pas du tout. Là encore, je connais trop bien cette tactique du "coup de barre à gauche" qui vise seulement à rassembler, même pas les adhérents socialistes, mais seulement les militants qui s'étaient déplacés à La Rochelle. Sur le moment, ça marche à tous les coups, mais la potion est amère et les lendemains sont toujours des lendemains de gueule de bois. Alors que l'on sait que le PS est divisé, cette tactique procède même de la régression, au sens psychologique du terme.
"Personne n'a à se renier"
Que voulez-vous dire par là?Je veux dire que derrière tout cela, où se trouve le projet? Il faut être clair, et le passé l'a bien prouvé: soit ce coup de barre à gauche ne permet pas de gagner, soit il ne permet pas d'agir, comme on l'a vu avec les contradictions de l'époque Jospin, où l'on a fait des bêtises - comme les 35 heures - dans le seul et unique but d'envoyer un signe à son électorat. Dans les deux cas, cela conduit à une impasse. Malgré une légère euphorie sur le moment, cela ne se termine jamais bien…
Vous êtes sévère avec la gauche et le PS, mais de votre côté, au sein de la majorité, vous devez désormais composer avec le MPF de Philippe de Villiers. Regrettez-vous toujours cette ouverture à droite?
Je n'ai jamais eu d'opposition de principe à cette ouverture. Lorsque je me suis exprimé sur ce sujet à la mi-août, je n'ai pas fait de sectarisme, mais j'ai seulement dit que la Gauche moderne ne pouvait pas simplement se retrouver avec le MPF sur la seule idée que nous avions un adversaire commun. Or, en fin de semaine dernière, j'ai enfin pu avoir une conversation téléphonique avec Philippe de Villiers et j'ai pu être rassuré sur le fait que nous avions des éléments de projet à partager. Ceux-ci restent encore à discuter et à approfondir, mais, autant on peut garder des points de désaccord – personne n'a à se renier -, autant, dans la perspective des élections régionales et d'autres scrutins, nous pensons pouvoir les dépasser pour construire la plate-forme commune de l'ensemble de la majorité. Je n'oublie d'ailleurs pas que c'est de Villiers qui a fait la démarche de nous rejoindre, et pas le contraire. Il n'y a donc pas lieu d'être inquiet sur l'axe de la majorité. Sur ce point, j'ai acquis la certitude que le terrain avait été bien déminé.